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L’ensemble des remparts de Le Quesnoy subsiste. Déclassés définitivement en 1901 et propriété de la commune, ils sont régulièrement entretenus. Pour les défenses hydrauliques, deux des trois bassins existent encore et sont entretenus par un curage périodique. La place de Le Quesnoy illustre le génie d’adaptation de Vauban à des ouvrages existants et ses connaissances en matière hydraulique, faisant de l’eau un élément à part entière de son système de défense.
Sources : « Vauban & la fortification du Quesnoy au XVIIè siècle », de Bernard Debrabant
« Le Quesnoy, L’archétype du Hainaut », de Bruno Carpentier
Avant de parler des fortifications du Quesnoy, il est nécessaire de donner quelques précisions sur la situation de la ville et surtout de signaler l’hydrographie de ses abords qui a joué un rôle non négligeable dans la défense.
La ville du Quesnoy repose sur des terrains tertiaires (éocène) caractérisés par des bancs de sables renfermant des blocs de grès connus en géologie sous le nom de sables et grès du Quesnoy. Une mince couche de terrain quaternaire les surmonte.
Le Quesnoy est bâti sur une légère éminence dont le point culminant est à la côte 130 et supporte le beffroi.
A deux kilomètres au Nord de la ville, coule un affluent de l’Escaut appelé la Rhonelle, qui forme un sillon assez profond allant sensiblement de l’Est à l’Ouest pour se jeter dans le fleuve de Valenciennes.
A trois kilomètres au Sud de la ville, un autre affluent de l’Escaut, l’Ecaillon, suit une direction parallèle à la Rhonelle au fond d’un vallon semblable à celui de cet affluent.
Les deux rivières prennent leur source dans la forêt de Mormal distante de quatre kilomètres de la ville.
Afin de disposer d’eau en toutes saisons, l’on fut très tôt amené à les accumuler l’hiver, aux environs de la ville, dans des étangs artificiels dont l’un subsiste sous le nom actuel d’Etang du Pont Rouge.
Les eaux nécessaires à la protection du château étaient primitivement recueillies dans un creux de terrain formant l’Etang du Gard. Cet étang se trouvait au Sud de la ville, non loin de la Caserne Cernay dans les parties basses des fortifications.
La construction de fortifications sérieuses autour de la ville, réduisit l’importance du château au point de vue de la défense et rendit disponibles les eaux qu’il utilisait. Celles-ci reçurent un nouvel emploi, car l’on songea tout de suite à les faire courir autour des remparts où on les rassemblait pour former l’étang Saint-Martin, l’étang du fer à cheval et l’étang du Gard, ce dernier le plus important. Ces étangs étaient mal placés, aussi furent-ils remplacés par trois étangs créés successivement près du faubourg Fauroeulx en élevant des barrages à des endroits appropriés. Les étangs nouveaux se nommèrent : Etang du Mayeur, Etang Neuf (actuellement Etang du pont rouge) et Etang d’Aulnoit (n’existe plus). L’élévation des eaux y était obtenue par le rehaussement de la chaussée de Landrecies dont on peut encore voir les parties maçonnées, formant digue, non loin de la porte actuelle dite de Landrecies. Quant aux eaux en excédent des besoins, une vanne casematée située dans le chemin couvert de la place à l’Ouest, en permet encore l’écoulement par une conduite souterraine en maçonnerie longue de deux à trois cents mètres.
Les étangs constituèrent longtemps le principal revenu des Gouverneurs du Quesnoy, puis de la ville. Comme ils ne reçoivent que des eaux de sources ne renfermant aucun poisson, le Gouverneur devait les peupler à ses frais. De temps à autre on vidait les étangs pour en vendre les poissons, comme cela se pratique encore dans certaines régions de la France.
Le château construit par Bauduin IV l’Edifieur, Comte de Hainaut, constitua le noyau des fortifications de la ville. Edifié en 1150 sur la Motte de Noflus, son emplacement est bien connu et quelques parties de murailles en subsistent à la Caserne Cernay. Le château servit de résidence aux Comtes et Comtesses du Hainaut et fut le douaire des princesses de ce pays. Il était entouré d’un fossé; les bâtiments étaient dominés par une forte tour et l’ensemble constituait une véritable forteresse comme il était d’usage au moyen âge pour les maisons de plaisance. Il servait de réduit aux premières fortifications de la ville. On l’appelait courament l’Ecritoire. Une haute et mince tour destinée au guet était appelée la plume ( elle fut élevée en 1569 et détruite en 1768 par un ouragan); elle surmontait les bâtiments et la grosse tour.
Le château servit par la suite de demeure aux gouverneurs du Quesnoy; on l’appela alors le Gouvernement. Il refermait plusieurs étages de souterrains, encore existants, dont les parois étaient surtout construites en grès. Ces souterrains servirent de prison d’Etat, puis on y logea des poudres. Le rez-de-chaussée de la tour fut utilisé un moment comme prison pour les délits ordinaires. Sous la tour du guet se trouvaient des souterrains appelés marcottières du nom patois de fouines, petits mammifères qui vivent dans des terriers. L’on prétend qu’il fut touvé des squelettes à une certaine époque.
Le château fut restauré en 1625. En 1807, le Génie démolit cet édifice qui avait échappé assez miraculeusement lors des sièges de la ville malgré sa hauteur. La démolition fut continuée au cours des années 1808 et 1809. Après la dernière guerre différents bâtiments provenant du château furent encore rasés.
Notons qu’au XVIIIe siècle, le château comportait un corps de garde, une salle aux armes, la tour de guet, la basse cour transformée ensuite en caserne et surtout les bâtiments réservés au Gouverneur. Un parc s’étendait jusqu’aux remparts et jusqu’à la rue Saint-François. Ce parc constituait le dernier vestige du bois du Gard.
Les premiers ouvrages défensifs du Quesnoy ont été établis par les Comtes de Hainaut. Ils consistaient, suivant les procédés en usage à l’époque, en murs renforcés de tour comme en construisaient les Romains et que les Mérovingiens modifièrent quelque peu. Les murs étaient crénelés à leur partie supérieure pour permettre aux défenseurs de lancer des traits en s’abritant derrières des merlons. Les tours constituaient les parties les plus puissantes, leur partie supérieure était terrassée pour recevoir des machines de guerre (balistes, catapultes, etc…) destinées à lancer des projectiles sur les assaillants. En avant des murs et des tours se trouvait un fossé.
Dans l’histoire de la ville , l’on ne trouve pas trace d’une modification importante de la cité au cours des siècles et l’assiette de la ville actuelle coïncide très sensiblement avec celle de la ville des Comtes de Hainaut.
L’on ne fait pas non plus mention de déplacement de murailles. Celles-ci ont fait seulement l’objet de réparations nécessitées par les assauts subis ou les détériorations résultant des intempéries. C’est ainsi qu’en 1477, après la prise de la ville par Louis XI, l’on dut reboucher les brèches qui avaient été faites par son artillerie.
Il semble donc naturel de conclure que le tracé des remparts actuels, sauf pour quelques parties, est celui que Bauduin IV a donné à la ville lors de sa fondation.
Dés son avènement, Charles-Quint eut à défendre ses états contre les incursions des Français et dut songer à renforcer les murailles de ses villes fortifiées. Les murs de ces fortifications constituaient alors un obstacle infranchissable, en même temps qu’ils pouvaient résister aux coups des balistes, des catapultes et des premiers canons.
Mais la fin du XVe siècle avait vu s’accroître la puissance de l’artillerie que l’on utilisait alors couramment dans les sièges et qui faisait entrer dans une phase nouvelle la lutte entre l’attaque et la défense, celle-ci modifiant constamment ses procédés pour faire face à de nouveaux moyens d’attaque.
Cet emploi du canon fit naître la fortification bastionnée dont les monuments devaient bientôt couvrir tout l’Europe. Dans ce mode de fortification, les murs d’enceinte, pour échapper aux coups de l’artillerie, étaient placés dans des fossés profonds et surmontés d’un rempart terrassé. Celui-ci empêchait malheureusement de surveiller le pied des murailles. Pour remédier à cet inconvénient, des organes nouveaux appelés bastions, répartis aux angles du tracé, permettaient aux défenseurs de s’opposer aux entreprises des assaillants par de tirs de flanquement à ciel ouvert. Enfin, pour être efficace, le tracé des ouvrages devait répondre à des règles précises, afin d’éviter les angles morts. Ces dernières conditions ne seront réalisées que plus tard grâce à Vauban.
C’est un système bastionné assez primitif qui allait être adopté par les Espagnols pour la défense du Quesnoy. Le 14 juin 1527, à l’assemblée générale des Etats de Hainaut, les sieurs Lannoy et Desmarez, premier maître des requêtes au Conseil privé de l’Empereur Charles-Quint, furent délégués par l’archiduchesse Marguerite, régente, pour obtenir 45000 florins destinés à l’entretien des fortifications du Quesnoy. Les travaux durèrent plusieurs année, les Espagnols commirent la faute de conserver la plus grande partie des anciens murs d’enceinte avec plusieurs tours anciennes. Ils commencèrent par édifier cinq gros bastions à orillons qu’ils placèrent à des endroits tels que les tirs de flanquement pour lesquels ils étaient destinés ne pouvaient être bien efficaces. Au cours de toute son existence militaire, la place du Quesnoy devait souffrir de cette transformation faite par un esprit évident d’économie.
Quatre bastions de l’enceinte de Charles-Quint existent encore, le cinquième a été isolé des remparts par Vauban, il en reste néanmoins d’importants vestiges.
C’est le 4 septembre 1654 que la ville fut occupée par les troupes françaises sans qu’il eût été nécessaire de procéder à un siège. Avant de rendre la ville, les Espagnols s’étaient efforcés de mettre les fortifications hors d’usage. Un premier travail constista à réparer ce qui avait été détérioré sans apporter de grandes modifications.Les ouvrages extérieurs furent l’objet de soins particuliers. Ces travaux étaient d’autant plus nécessaires que la place nouvellement conquise, se trouvait placée en avant-garde. Près d’elle, Condé, Valenciennes, Cambrai et Bouchain continuaient à être au pouvoir de l’ennemi. Turenne se servit de la ville comme base pendant les opérations qu’il entreprit dans la région, notamment contre Valenciennes et Condé. En 1659, le 7 novembre, le traité des Pyrénées attribua Le Quesnoy à la France. La ville devait rester à jamais française. La conquête des villes voisines par Louis XIV en 1676 décida le Roi à moderniser les fortifications de la ville. Vauban fut chargé des travaux dont il confia l’exécution à Aramand François.
La place aurait demandé une refonte complète; elle présentait de graves défauts. Les murailles avaient été pour la plupart construites par les Comtes de Hainaut et renforcées par les Espagnols au moyen de terrassements. Les bastions étaient insuffisants, et les ouvrages détachés peu nombreux et mal conçus. Le chemin couvert avait été placé trop loin. Il n’existait pas de galeries de contremines. Devant l’importance du travail à entreprendre, Vauban se contenta d’executer les travaux jugés les plus urgents.
Entre 1668 et 1673, Vauban va améliorer les défenses construites par les Espagnols afin de faire du Quesnoy une place imprenable, car située en première ligne du fameux «Pré Carré», une double ligne de places fortes barrant la plaine des Flandres pour protéger efficacement le royaume de France.
Vauban va utiliser les éléments antérieurs et les englober dans un nouveau plan d’ensemble. Ainsi les bastions espagnols sont transformés ou agrandis. De nouveaux sont construits. Ces travaux entraînent la destruction de la partie sud du château. Le chemin couvert est réorganisé.La place forte prend ainsi la forme d’un vaste octogone d’environ 3,5 km de long flanqué de 8 bastions protégés par des ouvrages extérieurs ( tenailles, demi-lunes,…) et des fossés inondables. Un vaste système d’inondation est également mis en place. Il permet, à partir d’un réseau de canaux et d’écluses, des lâchers d’eau qui rendent le terrain impraticable et interdisent toute avancée des assiégeants et de leur artillerie.
La place du Quesnoy fut déclassée le 26 juin1867; elle n’eut pas à servir en 1870-1871, ses murs étaient restés intacts et l’on avait seulement procédé à la réouverture de l’ancienne Porte de la Flamengrie pour donner un passage direct avec la gare qui venait d’être construite. Le travail avait nécessité la suppression de la demi-lune qui se trouvait devant la porte. Aprés la guerre de 1870-1871, les études faites pour la défense du pays par le Général Séré de Rivières avaient prévu la défense de la Forêt de Mormal et la formation d’un camp retranché à Valenciennes.
Seul le fort de Curgies fut construit et Le Quesnoy fut reclassé en 1878 pour servir de fort d’arrêt et jalonner la ligne Valenciennes-Mormal. Des abris casematés furent construits sur les remparts et l’on remis les Portes en état.
L’apparition des obus chargés d’explosifs brisants devant lesquels ne pouvaient plus tenir les fortifications anciennes, malgré les améliorations qu’on leur avait fait subir, ont amené l’abandon du réseau de forteresses remises en état après 1870 dans notre région.
Il avait paru plus judicieux de rassembler les troupes disponibles dans les armées de manœuvres que de les immobiliser dans des forteresses nombreuses. La frontière du Nord, qui n’était pas sous le coup d’une menace directe comme celle de l’Est, vit ses places fortes déclassés sauf Maubeuge, Lille et Dunkerque.
Le Quesnoy fut déclassé le 6 juillet 1901 (confirmé le 10 mai 1921). Dans la plupart des villes déclassés l’on s’empressa de raser les fortifications jugées inutiles, pour permettre un agrandissement commode. C’était le cas des cités populeuses et industrielles pour lesquelles la démolition des fortifications était une nécessité vitale.
Le Quesnoy, qui ne possédait pas la voie d’eau nécessaire au développement de la grande industrie, ne pouvait pas tirer grand bénéfice du nivellement de ses remparts.
Son administration montra sa sagesse et sa clairvoyance en conservant son enceinte fortifiée qui lui garde son charme, alors que sa disparition l’aurait transformé en une sorte de grand village.
Porte de Valenciennes avant son bombardement